Rite Anglais Style Emulation
Puisque la franc-maçonnerie est née en Grande-Bretagne, on devrait dire que tous les Rites maçonniques sont, par définition, « anglo-saxons » ! (1)
En réalité, la première franc-maçonnerie anglaise a connu deux traditions rituelles bien différentes : celle de la Première Grande Loge de 1717, plus tard dite des «Modernes», et celle des «Anciens», à partir de 1751. En 1813, lorsque les deux Grandes Loges rivales fusionnèrent pour former l’actuelle Grande Loge Unie d’Angleterre, elles mirent en place, de 1813 à 1816, une Loge Spéciale de Réconciliation qui fut chargée de faire la synthèse des deux Rites pour aboutir au rituel «unitaire» de l’actuelle maçonnerie anglaise. C’est sous cette forme que l’on connaît et pratique de nos jours ce que l’on nomme souvent mais improprement le « Rite anglais ».
Emulation – ou l’une de ses proches variantes – est l'un des rituels parmi les plus pratiqués en Angleterre, en Grande Bretagne et à travers le monde. Relativement peu présent en France, il connaît aujourd'hui un engouement croissant, sans doute grâce à la force de son contenu et aux perspectives nouvelles qu'il offre aux maçons français. Probablement 8000 maçons environ la pratiquent aujourd’hui dans notre pays.
S’il tire ses sources de l'Union de 1813, il doit plus précisément son nom à l'Emulation Lodge of Improvement qui à partir de 1823 fut chargée d'instruire les frères à propos des pratiques rituelles résultant de l'Union et désormais adoptées par la Grande Loge Unie d'Angleterre.
Les deux Grandes Loges rivales avaient bien évidemment des pratiques particulières (notamment l'Arc Royal pour les « Antients ») et ce ne fut pas sans mal que put être trouvée une pratique commune. Une Lodge of Promulgation avait été formée dès 1809 par les « Moderns » pour examiner le rituel et faire des recommandations. De 1813 à 1816, on l’a vu, la Lodge of Reconciliation finalisa un rituel commun et en fit la démonstration aux Loges. Les Loges d'instruction prirent le relais, comme la Stability Lodge en 1817 ou l'Emulation Lodge of Improvement en 1823.
Malgré tout, la Grande Loge Unie d'Angleterre ne publia jamais de rituel de référence laissant aux Loges le soin de transmettre le rituel. Avec le temps, de légères différences se perpétuèrent. Ceux qui se référaient aux pratiques de l'Emulation Lodge of Improvement (toujours en exercice aujourd'hui), se réclamèrent d'un Emulation Working, c’est-à-dire d'un « style », d'une « pratique » Emulation. Mais Emulation n'est pas le seul « style » pratiqué aujourd'hui en Grande Bretagne et ailleurs. Il existe aussi un style dit Stability (du nom de la Loge d'instruction sus-mentionnée) ou encore Oxford, Sussex ou Standard, Taylor... Les différences sont souvent minimes, mais elles existent.
C'est la raison pour laquelle il serait plus juste de parler d'un Rite Anglais pratiqué selon plusieurs « Workings ». La LNF a adopté la terminologie de Rite Anglais, Style Emulation pour dénommer ses Loges Emulation.
L'Emulation Lodge of Improvement mettra 146 ans à publier son premier rituel "officiel" (1969). Pour sa part, la Grande Loge Unie d'Angleterre n'a toujours pas publié de rituel officiel respectant ainsi les différentes pratiques actuelles.
Pour un maçon français, Emulation est pour le moins dépaysant. Attachant un grand prix à l’exécution parfaite du rituel, Emulation retrace, au cours des cérémonies des différents grades, les grands principes moraux de la franc-maçonnerie dans des discours et des « exhortations » qui ont pour objet de frapper vivement l’esprit du candidat en lui présentant avec insistance les « devoirs du maçon ».
Les cérémonies Emulation sont réglées « comme du papier à musique ». Le rituel (normalement appris par cœur) doit être suffisamment intégré de façon à libérer celui qui officie et lui permettre de le vivre « de l'intérieur ». La gestuelle joue un grand rôle dans son pouvoir évocateur. Chaque geste compte et chaque détail est signifiant, si bien pour celui qui le réalise que pour celui qui le regarde. On peut longtemps parler de ce qu'une équerre peut symboliser, mais pour celui qui forme l'équerre avec son corps et qui vit intérieurement l'équerre par sa pratique, parler devient inutile et réducteur.
Une tenue Emulation est un moment de très grande intensité, de concentration collective.
Voici sans doute pourquoi, dans sa grande sagesse, Émulation a prévu une « 2ème mi-temps » qui fait entièrement partie de la tenue et qui possède son rituel propre (établi en français par la Loge des Grands Stewards de France), mais qui permet une décompression progressive dans la bonne humeur : les agapes (Festive Board en anglais...).
Outre la position des Surveillants qui diffère de ce que l’on observe dans les loges du Rite Français ou du RER, on note la présence de deux Officiers spécifiques, les Diacres. Il n’y a en revanche pas d'Expert, ni d'Orateur. Un rôle important est dévolu au cours des travaux au Passé Maître Immédiat.
Les Loges Emulation sont peu nombreuses en France : on en trouve la majorité à la GLNF, et un certain nombre à la GLTSO ainsi qu'à la GL-AMF. La LNF compte notamment les loges Fidélité n°3, à Bordeaux, Goodwill n°17 et Faith and Works n° 18 à Paris, René Guilly n°22 dans l'Yonne, qui sont les plus anciennes, et plus récemment la Loge Gérard Géfen n°29 à Marseille et L’Immortalité de l’Ordre n°30 à Meaux. Ces loges de plein exercice pratiquent Emulation en français.
La LNMF a été principalement fondée sur la Rite Anglais Style Émulation : c'est notamment le Rite exercé La Rose & le Chardon n°1, La Rose & le Lys n°3, Le Cèdre & les Pensées n°4 et La Rose & le Houblon n°5,
La Loge Elizabeth Saint Leger, lettre Alpha, tenant son rôle de Loge d'études et de recherches, pratique également le rituel Émulation.
On peut rapprocher d’Émulation deux autres rites provenant des Iles britanniques et des USA : le Rite Standard d’Écosse – une forme particulière du rituel ordinaire des loges d’Écosse, fixé au cours du XIXe siècle – et le Rite d’York, pratiqué surtout aux États-Unis. Quelques loges ont introduit ces deux Rites en France. La LNMF, pas davantage que la LNF, ne les a pas intégrés à ce jour.
Notes :
- A cette réserve près que l’Écosse, pourtant située en Grande-Bretagne et l’un des berceaux de la franc-maçonnerie, n’est pas anglo-saxonne, mais celte…