Loge d'études et de recherches
Une spécificité et l’une des caractéristiques les plus prestigieuses de la LNF, et désormais de la LNMF, le concept de loge d’études et de recherches est difficile à faire accepter en France. Il a vu le jour, à la fin du XIXe siècle en Angleterre.
Lorsqu’en 1886 fut fondée, à Londres, la loge Quatuor Coronati n°2076, une structure tout à fait nouvelle vit le jour: une « lodge of research », c’est-à-dire, dans l’esprit de ses créateurs anglais, une loge qui, au lieu de faire des cérémonies et de transmettre les grades maçonniques, se consacrerait exclusivement à l’étude des origines historiques et des sources traditionnelles de la franc-maçonnerie. A ce jour, en publiant chaque année le compte rendu de ses travaux, la très célèbre revue Ars Quatuor Coronatorum (AQC), cette loge de recherche, le plus ancienne au monde, a largement conquis ses lettres de noblesse. Toutes les grandes études concernant les fondements de la franc-maçonnerie y ont été présentées en plus d’un siècle. Elle a du reste inspiré, dans plusieurs autres pays (États-Unis, Allemagne, Belgique), la création de structures comparables.
Cette manière d’envisager la maçonnerie est longtemps restée inconnue en France et y suscite encore beaucoup de réticence. Il existe en fait une grave équivoque sur le mot «recherche». Ainsi, on entend souvent dire que la recherche est le propre de toute loge, que tout maçon est « en recherche » et que toute loge est donc, par définition, une «loge de recherche» … C’est bien entendu une méprise complète.
Ce qu’on entend ici par « recherche » est une approche de type académique et, n’hésitons pas à le dire, de nature érudite. On y emploie donc, pour élucider sans illusion les origines et les sources de la franc-maçonnerie, les instruments et les méthodes de la recherche universitaire. C’est d’ailleurs sans doute aussi pour cette raison que, l’ayant pressenti, nombre de maçons, en France, récusent le concept : en vertu de cette vieille tendance des certaines loges à y traquer toute velléité d’intellectualisme, on déclare que l’érudition n’a pas sa place en maçonnerie et qu’elle doit être réservée aux groupes de recherche académiques et aux sociétés savantes, pour ceux que cela peut intéresser. L’argument peut sembler fondé et doit être examiné. Or, on peut lui opposer une double objection.
En premier lieu, on doit observer que les groupes de recherche extérieurs à la franc-maçonnerie n’ont en réalité jamais vu le jour dans notre pays. Si, depuis quelques années, en France, quelques travaux universitaires ont pu être consacrés à l’histoire de la franc-maçonnerie, les travaux maçonnologiques proprement dits sont plus rares. En outre, et par différence avec ce qui s’est produit en Grande-Bretagne, en Belgique ou aux Pays-Bas, aucun lieu universitaire n’a jamais été dédié à la question maçonnique. On renvoie donc vers des structures qui n’existent tout simplement pas…
Ensuite, cette recherche, même si elle se fait, ici où là, dans un cadre universitaire, n’alimente pas la vie maçonnique elle-même. En d’autres termes, les principaux intéressés (?) n’en sont pas les premiers bénéficiaires. C’est donc aux francs-maçons eux-mêmes de prendre en main ce travail, de donner l’impulsion à une entreprise si importante et si vaste que tous les concours ultérieurs, y compris, bien sûr, en dehors de la franc-maçonnerie elle-même, seront les bienvenus. L’expérience la plus ancienne, celle de l’Angleterre, montre que le premier centre universitaire consacré à ce sujet n’a pu être créé que plus d’un siècle après la fondation de la loge Quatuor Coronati, qu’il a fallu pour y parvenir une initiative auprès des autorités universitaires de la part de la Grande Loge Unie d’Angleterre et que, sans le soutien de cette dernière, la structure en question n’a pu se maintenir.
La double question de fond, qui sous-tend implicitement toutes les réticences évoquées plus haut est en vérité la suivante : si cette recherche est techniquement érudite, qui, parmi les francs-maçons, sera vraiment en mesure de s’y adonner, à quelle petite « élite » sera-t-elle finalement réservée et, par ailleurs, en quoi cette approche historico-critique et savante est-elle vraiment nécessaire ou simplement utile à la démarche spirituelle et morale de la franc-maçonnerie ?
Pour le dire autrement, la question est donc de savoir quel bénéfice additionnel on pourra retirer du travail des loges d’étude, par rapport à ce que peut apporter la pratique sincère des cérémonies, l’examen attentif des instructions traditionnelles et la libre méditation des symboles, toutes choses qui forment le cœur du travail maçonnique, comme chacun en conviendra au sein de la LNMF elle-même.
Et sans doute, on peut parfaitement retirer le plus grand profit personnel et humain de la pratique maçonnique sérieuse qu’offrent les loges de la LNMF, sans aucunement se préoccuper des acquis obtenus par les loges de recherche depuis plus de trente ans, et par conséquent sans jamais les fréquenter ! Pour autant, cela ne fournit pas un argument pertinent contre leur existence, ni une preuve suffisante de leur inutilité. Et cela pour au moins deux raisons.
D’abord et avant tout parce que ces loges ont été, depuis leur fondation, des laboratoires. On y a présenté et discuté les recherches sur l’histoire des rituels, ce qui a permis d’adapter, de retrouver et surtout de comprendre les textes en usage dans les loges de ses différents Rites. Nombre de ses acteurs ont aussi publié le fruit de leurs travaux dans la revue Renaissance Traditionnelle, revue d’études maçonniques indépendante mais fondée et depuis toujours dirigée par des Frères appartenant à la LNF – mais sans exclusive. Or cette revue est considérée en Europe comme l’une des meilleures revues d’études maçonnologiques. Il faut donc insister avec force sur le fait que le travail des loges d’études et de recherches est moins un divertissement d’érudits qu’un travail pionnier permettant de mieux maîtriser les sources d’une tradition maçonnique ainsi rendue à sa vérité première.
En outre, si ces groupes ont délibérément pris la forme de loges – et non de simples cercles d‘études de nature « profane » – c’est pour bien signifier que leur objet n’est précisément pas une érudition gratuite et en quelque sorte « désincarnée », mais qu’elles œuvrent exclusivement dans le but de nourrir ce qu’on pourrait appeler la « conscience traditionnelle » des loges de la LNF et de la LNMF et de ceux et celles qui les composent et les font vivre. De ce fait, tous et toutes sont cordialement invités à assister à leurs travaux, et même chaleureusement encouragés à le faire quel que soit leur grade, non seulement pour y contribuer s’ils en ont le temps, le goût et les capacités, mais aussi pour prendre simplement connaissance des questions qui y sont débattues, relatives à l’histoire et la tradition maçonniques, pour y entendre l’évocation des textes fondateurs et de tous ceux qui, jadis, ont fondé la maçonnerie et dont on s’efforcer de retrouve l’esprit et l’intention fondatrice, véritables clés pour maintenir et faire vivre, ici et maintenant, une maçonnerie digne de ce passé et poursuivre l’accomplissement de son projet séculaire.
Il en va naturellement de même pour les Frères et Sœurs visiteurs de tous horizons maçonniques que nous avons toujours plaisir à rencontrer et à recevoir !